Le Hellfest, laboratoire d’étude des mouvements de foule


Pour étudier les mouvements de foule, un scientifique de l’INRIA (chapeau orange) danse au milieu des fans de heavy metal vêtu d’une combinaison équipée de capteurs pour collecter des données, lors d’un concert au Hellfest Summer Open Air Festival, à Clisson, le 26 juin 2022.

Juin 2022. Le festival Hellfest bat son plein sur la commune de Clisson, en Loire-Atlantique. En moyenne, 65 000 spectateurs viennent, chaque jour, s’ébaudir au rythme de la musique metal. Mais, cette année, l’événement a quelques visiteurs inhabituels. Au cœur du public, deux chercheurs de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) dansent pour la science. On les distingue à leurs casquettes orange et à leurs combinaisons pleines de capteurs. Ecrit dans leur dos : « Hellfest & Inria collaborent ici pour étudier les foules. »

Les données des capteurs combinées aux images prises par une caméra depuis la scène leur permettent d’observer comment le public se meut. « Au Hellfest, les danses sont assez physiques. On cherche à comprendre comment les gens sont en contact et comment ces contacts deviennent des mouvements qui se propagent dans la foule », résume Julien Pettre, chercheur à l’Inria de Rennes. L’institut mène cette étude dans le cadre du projet CrowdDNA, lancé en 2020 par l’Union européenne. L’initiative regroupe des spécialistes en biomécanique, en physique, en sciences cognitives et en informatique de plusieurs pays d’Europe. Leur but : prévenir les accidents dans les grands rassemblements.

« La gestion des foules est habituellement un processus manuel, déplore Julien Pettre. Le personnel sur place a une vue très partielle de la foule. Plusieurs exemples montrent que cette perception empreinte d’erreurs peut mener à des catastrophes. » Certaines ont fait des dizaines de milliers de morts lors d’événements musicaux, religieux et sportifs au cours des dernières décennies. Des victimes ont manqué d’oxygène après avoir été trop entassées. D’autres ont perdu pied et ont été piétinées.

Deux des scientifiques participant à l’étude des mouvements de foule lors du festival Hellfest, sont équipés de capteurs et portent des casquettes orange pour être visibles. A Clisson, le 26 juin 2022.

La bousculade survenue durant un rassemblement à La Mecque en 2015 a ainsi coûté la vie à quelque 2 300 personnes. Plus récemment, le 5 novembre 2021, dix personnes sont mortes et plus de 300 ont été blessées lorsque les spectateurs se sont agglutinés à l’avant de la scène lors d’un concert du rappeur Travis Scott, au Texas.

Pendules humains

Pour les sept équipes du projet CrowdDNA, réparties à travers quatre pays d’Europe, la compréhension de tels phénomènes commence en laboratoire. Au centre de recherche de Juliers, en Allemagne, trois personnes munies de capteurs sont placées en ligne sur un matelas. Une impulsion est donnée à l’individu à l’arrière et se propage vers l’avant. Puis, l’expérience est répétée avec cinq, dix, trente et cinquante personnes. Des pendules humains, comme ces billes alignées qui transmettent leur énergie à leurs voisines, en quelque sorte. Sauf qu’ici les muscles des corps apportent de l’énergie supplémentaire au système. Les chercheurs observent ainsi comment une poussée modérée peut prendre une grande ampleur.

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